Imaginez une maison nichée dans les hauteurs d’Auvergne, entourée d’un décor mystérieux, où l’ancien rencontre le moderne. Dans cet écrin atypique, une expérience hors du commun prend vie : une maison hantée connectée, conçue pour surprendre, intriguer, et captiver ses visiteurs. Alliant une décoration vintage soignée et des technologies domotiques avancées, cette maison transforme chaque séjour en aventure immersive, où les invités deviennent acteurs d’un récit interactif.
Dans cet article, nous vous dévoilons les coulisses de cette création unique, depuis les sources d’inspiration jusqu’aux défis techniques, en passant par les choix artistiques et les retours des premiers visiteurs. Une plongée fascinante dans l’univers de la domotique au service de l’imaginaire.
Sommaire
L’inspiration et la conception
- Quelle a été votre source d’inspiration pour créer ce projet domotique immersif et « hanté » ?
L’idée vient de mon père et ma belle-mère qui ont acheté cette petite maison dans un petit hameau des hauteurs de Thiers en Auvergne pour faire un logement AirBNB un peu atypique. Elle a d’abord subi une rénovation « classique », puis le cadre environnant ayant quelque chose d’un peu lugubre, isolé, froid, dans la montagne, avec une croix surplombant la fontaine… L’idée de faire une déco ancienne est arrivée. Sols sombres, peintures et carrelages comme à l’époque, vieux meubles… ça aurait pu s’arrêter là mais à force d’évoquer le sujet durant les travaux et ayant déjà joué un peu avec de la domotique, j’ai soumis l’idée de rajouter quelques effets de son et lumière. Le concept de maison hantée était donc né !
- Avez-vous rencontré des défis particuliers lors de la conception de ce système ? Si oui, lesquels et comment les avez-vous surmontés ?
Pour l’anecdote… Il y avait une grosse inconnue dans ce qu’on pourrait techniquement réaliser avec un matériel relativement limité : la télé, qui n’est pas connectée. C’est vraiment par hasard, voire même par chance, que j’ai pu l’exploiter durant certaines séquences. Le lecteur DVD en HDMI1 permet aux invités de regarder un film… En HDMI2 un Chromecast avec contrôle CEC qui fait que la télé bascule en HDMI2 lorsque du contenu est diffusé sur le Chromecast. Par contre à première vue, aucun moyen de revenir au DVD ensuite, jusqu’à ce qu’une prise connectée coupe l’alimentation de la télé et qu’elle revienne, au rallumage, par défaut sur HDMI1. Miracle ! Un blaster IR aurait aussi pu faire l’affaire mais une succession de touches aurait dû être simulée afin de changer les sources HDMI sur cette télé en particulier, ce qui aurait été bien plus visible.
- Pourquoi avez-vous choisi d’intégrer des éléments vintage, comme la radio des années 30 ?
La maison n’est pas grande, mais il a tout de même fallu la remplir d’accessoires qui aient du sens. L’idée de la déco vieillotte était déjà là, mais une fois l’aspect domotique envisagé, il a fallu imaginer avec quoi les invités pourraient interagir, et quoi piloter ! La radio des années 30 est un bon exemple, ça a du charme, et lorsqu’elle s’allume toute seule en grésillant ça fait son effet. Il y a aussi tout un tas d’appliques murales et un lustre qui scintille parfois, un vieux lit de l’époque des Louis, une baignoire d’époque… Et à peu près tout est exploité pour créer une expérience sur mesure pour l’invité ! Seul objet qui dénote avec la déco, la télé. Mais on s’est dit que nos invités aimeraient bien visionner un film d’horreur parmi ceux à leur disposition sur autre chose qu’un écran cathodique noir et blanc de 30cm de diagonale 😊
Les choix techniques et technologiques
- Quels équipements et technologies domotiques spécifiques avez-vous utilisés pour obtenir cet effet immersif ?
Toute la maison tourne via Home Assistant, avec lequel j’étais déjà un petit peu familier. Il y a tout un tas de capteurs dans la maison, mais le système tourne uniquement en Wifi (Aqara FP2 et enceintes) et Zigbee (capteurs de température, prises, interrupteurs, ampoules…) via ZHA. Le protocole Chromecast gère quant à lui tout ce qui est diffusion de sons sur les enceintes et de vidéos sur l’écran à l’entrée ou sur la télé.
- Comment avez-vous géré l’intégration des capteurs, des enceintes et des lumières pour synchroniser les effets de surprise ?
L’expérience tourne autour de plusieurs grosses séquences qui jouent des effets de sons et de lumières, et qui ont chacune une liste de conditions pour être déclenchées. Rien n’est à heure fixe et tout tourne réellement autour de l’invité. Sans spoiler, un invité qui regarde un film à l’étage à 23h devrait avoir la même surprise que celui qui le regardera à 20h… En plus des séquences, il y a aussi tout un tas de petits événements aléatoires (des bruits, des scintillements de lumières, la radio qui peut faire des siennes) pour que la maison soit vivante. Côté programmation il a à tout prix fallu éviter les conflits entre les multiples événements, au risque de dégrader l’expérience. Ça se fait via un simple input_boolean qui s’active lorsqu’un événement est en cours afin que rien d’autre ne puisse survenir en même temps. Chaque séquence terminée active elle aussi un input_boolean de confirmation, qui nous déclenche une notification sur Telegram et nous permet de faire un récapitulatif des événements passés en fin de visite.
- Le choix des effets sonores et visuels a-t-il nécessité des essais avant d’aboutir au résultat actuel ?
N’étant personnellement pas de la région, j’ai commencé à créer des « brouillons » d’automatisations dans Home Assistant avec des timings approximatifs, et j’ai fini par aller sur place sur plusieurs weekends pour tester, développer et peaufiner. Je dirais que l’effet est assez réussi car le premier weekend où j’y ai dormi et après avoir vécu 20 fois une certaine séquence, j’ai passé une nuit assez perturbée !
- Comment fonctionne le dashboard que vous avez développé ? Quelles options de contrôle permet-il ?
Après un premier dashboard très brouillon, j’ai fini par en refaire un en utilisant la Bubble Card de Clooos. Avec ses pop-ups et ses sub-buttons, ça me permet d’avoir dans un premier temps les statuts et contrôles principaux tels que si une présence est détectée dans la maison, si le détecteur de fumée a été déclenché (ce qui lance aussi une alarme dans la maison, et nous envoie immédiatement une notification sur Telegram), si le mode hanté est activé, le contrôle du chauffage, chauffe-eau, frigo… Et un aperçu rapide de chaque étage.
Si j’ai besoin de plus de détails, je peux ouvrir les différents pop-ups :
- Positions précises des invités dans la maison
- Réglages : afin d’activer ou désactiver des séquences, d’ajuster le nombre de fois que certains événements peuvent se produire… La plupart des automations intègrent des variables qui sont ajustables ici, par exemple, le nombre maximum de bruits aléatoires qui peuvent survenir au premier étage durant la visite…
- Déroulé : pour voir d’un coup d’œil où en est l’invité dans tout ce qu’il peut se produire
- Et un pop-up par étage avec la température, l’humidité, le point de rosée, les contrôles précis sur l’éclairage, les enceintes, et un rappel des positions
Les fonctionnalités immersives et interactives
- Comment le système détecte-t-il la présence et les actions des invités ?
L’entrée dans la maison est détectée via un simple Aqara P1, ce qui déclenche une vidéo d’introduction qui présente le concept et donne quelques instructions à l’invité sur comment passer la porte du sas, fermée par une chaine et un cadenas. Une fois véritablement dans la maison, la détection se fait via deux Aqara FP2, un par étage, grâce à leur fonction de détection de zones. Ça nous permet de savoir où est l’invité (ou les invités, jusqu’à deux), et combiné à d’autres capteurs, on peut déduire à peu près ce que l’invité est en train de faire et agir en fonction. On a mis un point d’honneur sur la confidentialité des invités donc il n’y a aucune caméra (même si sur Home Assistant on aurait pu partir loin avec des intégrations comme Frigate), et les micros des enceintes connectées sont coupés (via leur interrupteur physique dédié).
- Quels effets déclenchent l’interaction avec certains éléments (par exemple, la baignoire) et comment sont-ils programmés pour surprendre l’invité ?
Tout ne pouvant pas se faire via la position de l’invité dans la maison, il y a d’autres capteurs tels que des prises connectées qui mesurent la consommation électrique (pour détecter l’usage de la télé par exemple), des interrupteurs et ampoules qui lorsqu’allumées nous indiquent un peu plus ce que fait l’invité, ou encore un capteur de vibration sous la baignoire, pour supposer son utilisation à défaut d’avoir une vanne qui mesurerait le débit d’eau. J’ai configuré plusieurs « template sensors » qui cumulent les infos de plusieurs appareils pour définir des états tels que le potentiel sommeil de l’invité : lumières éteintes, télé éteinte, nuit tombée, position détectée dans le lit depuis X temps… A partir de là, et si toutes les autres conditions sont remplies, des séquences ou événements ponctuels peuvent se lancer.
- Comment avez-vous imaginé et conçu les « grosses séquences » qui rythment l’expérience ?
Nous avons d’abord commencé par noter des idées pour les séquences d’événements principales, dans les grandes lignes, puis rédigé un semblant de script pour servir de base à la programmation. Lorsque notre imagination trouvait ses limites, j’avoue que ChatGPT a pu être un bon allié. En effet, certaines séquences nous sont venues très naturellement, mais pour d’autres nous savions que nous souhaitions jouer avec tel ou tel élément du décor, sans pour autant trop savoir comment les mettre en lien. ChatGPT a aussi été un bon assistant lors de la programmation afin d’utiliser du code Python que je ne maitrise pas. Il faut souvent revenir sur le code qu’il propose donc la lecture des documentations d’Home Assistant et de Python restent nécessaire, mais c’est bien plus facile à prendre en main avec ce genre d’assistant.
- La programmation est-elle entièrement automatisée ou y a-t-il des éléments gérés manuellement ?
Tous les événements qui surviennent durant le séjour de l’invité sont automatisés. La seule action nécessaire de notre part (mis à part le ménage) réside dans l’allumage du chauffage, du chauffe-eau et du frigo, et dans le « réarmement » de la maison. C’est ce qui permettra à la prochaine personne qui y rentre de vivre la séquence d’accueil et de remettre à zéro tout un tas de compteurs qui sont incrémentés au fur et à mesure de la visite. Techniquement, j’ai déjà mis en place une intégration Google Calendar pour automatiser cet allumage du chauffage et le réarmement, mais pour l’instant on préfère garder un contrôle manuel là-dessus, ça nous rassure !
La gestion et le contrôle à distance
- Comment le bot Telegram aide-t-il dans la gestion des invités et des éléments de la maison ?
J’ai personnellement accès à toute l’interface de Home Assistant, y compris à distance via Tailscale, mais je ne gère pas les réservations. Il a donc fallu que je trouve un moyen simple de faire le lien entre Home Assistant et mon père afin qu’il puisse effectuer un minimum d’actions le plus simplement possible avant chaque visite. La création d’un bot Telegram m’a semblé assez pratique avec un menu et des boutons, le tout sous la forme d’une messagerie.
- Quels types de scénarios le mode « hanté » permet-il d’activer ou de désactiver pour moduler l’expérience ?
Il est possible de réserver une nuit dans la maison avec ou sans le « mode hanté ».
Sans, elle reste une maison atypique, avec une décoration perturbante car d’un autre temps, des tableaux changeants, mais aucune automatisation, rien. Pour les plus aventureux, le « mode hanté » peut-être activé sans supplément et permettra de vivre toute l’expérience. Elle peut toutefois être interrompue après coup via un bouton dans le séjour, si l’invité change d’avis ou si c’est trop pour lui, bien qu’on ne fasse pas dans l’épouvante non plus ! Disons que ça apporte un petit truc original en plus !
- Est-il possible d’obtenir un retour sur les performances et les diagnostics des appareils à distance ?
Effectivement, n’ayant pas toujours les yeux rivés dessus, le bot Telegram nous envoie des notifications lorsque chaque séquence se déroule avec succès, ça nous permet de savoir où en est l’invité et si c’est trop calme, de se demander pourquoi et de vérifier. Souvent c’est juste un invité qui arrive tard, et qui vivra donc potentiellement moins d’événements ! Le bot nous permet également d’avoir un diagnostic complet des appareils Zigbee et Wifi avant une visite : un script passe en revue les statuts de tous les appareils afin de voir s’ils ne sont pas inaccessibles ou bugués, et pour certains il réalise un petit test (comme lancer un bruit sur une enceinte). Et pour finir, de nous faire un récapitulatif de ce qu’a pu vivre l’invité lors de sa visite : succès des séquences, nombre de petits événements survenus, etc.
Les retours et perspectives
- Quels retours avez-vous reçus des invités sur leur expérience dans cette maison connectée ?
Les premiers retours sont très positifs ! Jusqu’ici, la proportion de visiteurs qui activent le mode hanté est à peu près de moitié-moitié. Certains n’osent pas de peur que ça soit « trop », mais nous ne faisons pas dans l’épouvante non plus, et si jamais, tout est désactivable en appuyant sur un bouton afin de passer une nuit sereine. Nous-mêmes nous faisons des nuits test de temps en temps, afin de nous rendre compte de l’expérience complète, d’ajuster des choses… Tous les retours sont bons à prendre !
- Avez-vous des idées ou des projets pour étendre cette expérience ?
Nous avons toujours de petites idées de choses à rajouter, c’est ce qu’on a fait ce mois de Novembre en rajoutant un peu de décoration pour que ça fasse plus vivant, une nouvelle petite séquence et des événements aléatoires supplémentaires. Je travaille aussi sur une autre séquence qui pose des challenges techniques, notamment au niveau du contrôle des lumières. Il se montre assez difficile de simuler des effets réalistes de scintillement d’une ampoule en Zigbee sans surcharger le réseau avec des commandes trop rapprochées, c’est un équilibre à trouver…
Après, il y a aussi des idées sur lesquelles nous nous sommes bridés, soit par budget, soit pour ne pas trop en faire. Exit les machines à fumée, eaux rouges et projecteurs, nous n’en sommes pas là pour l’instant. Nous verrons déjà si cette expérience inédite trouve son public 😊
Conclusion
Cette maison connectée et « hantée » incarne l’alliance parfaite entre technologie, créativité et audace. Plus qu’un simple lieu d’hébergement, elle offre une véritable aventure immersive, où chaque détail, qu’il soit visuel, sonore ou interactif, a été pensé pour transporter les visiteurs dans un univers unique.
Les retours enthousiastes des premiers invités confirment la réussite de ce pari audacieux, tandis que les créateurs continuent d’imaginer de nouvelles séquences et effets pour enrichir l’expérience. Bien plus qu’une curiosité, ce projet prouve que la domotique peut être un vecteur puissant d’émotion et d’imaginaire. Et pour ceux qui oseront franchir la porte, une chose est sûre : ils repartiront avec des souvenirs inoubliables et peut-être… quelques frissons !